27 août 2018 D'un écrivain et de son oeuvre, on peut au moins savoir ceci: l'un et l'autre marchent ensemble dans le labyrinthe le plus parfait qu'on puisse imaginer, une longue route circulaire, où leur destination se confond avec leur origine: leur solitude.
Je quitte Amsterdam. Malgré ce que j'y ai appris, j'ignore toujours si je connais mieux Elimane ou si son mystère s'est épaissi. Je pourrais convoquer ici le paradoxe de toute quête de connaissance: plus on découvre un fragment du monde, mieux nous apparaît l'immensité de l'inconnu et de notre ignorance; mais cette équation ne traduirait encore qu'incomplètement mon sentiment devant cet homme. Son cas exige une formule plus radicale, c'est à dire plus pessimiste quant à la possibilité même de connaître une âme humaine. La sienne ressemble à un astre occlus; elle magnétise et engloutit tout ce qui s'en rapproche. On se penche un temps sur sa vie et, s'en relevant, grave et résigné et vieux, peut-être mieux désespéré, on murmure. sur l'âme humaine, on ne peut rien savoir, il n'y a rien à savoir.
Interview France Culture Retrouver Elimane, le Rimbaud nègre, n'est que le prétexte pour écrire sur la littérature, l'amour, les racines et le déracinemnt, l'Afrique et la littérature. Ce roman
est inventif dans la forme et dans le fond. Il est
composé de trois livres qui sont trois temps de la quête de Diégane,
principal narrateur, mêlant personnages, époques, lieux, témoignages
vécus et racontés, rationalisme et traditions africaines. Il imbrique et dévoile très
subtilement, par le récit, le dialogue, les lettres retrouvées ou
perdue, le chemin personnel et littéraire de cet auteur mystérieux, dont
l'œuvre unique interroge tous ceux qui l'ont côtoyé, singulièrement
Diégane, sur la vocation de l'écrivain et le sens de son engagement. Le début de l'histoire, quand
Diégane décide de partir à la recherche de cet homme effacé de
l'histoire, m'a paru long tant la mise en place des décors semblait nous
éloigner du sujet. Pour autant, cela vaut la peine de poursuivre car
certains chapitres sont passionnants et surprenants d'inventivité - pour
avancer sur les traces de cet auteur perdu.
Ce roman est inspiré du destin
tragique de l’écrivain malien Yambo Ouologuem, vainqueur du prix
Renaudot en 1968 pour son premier roman Le Devoir de violence. Il lui est très vite reproché d’insinuer que
des chefs locaux ont contribué au colonialisme en Afrique et d’avoir
plagié des extraits de romans connus, de la Bible ou du Coran. Le
contexte de la décolonisation et des indépendances des années 60/70 lui
ont valut le reproche ultime d’être un traître à l’identité africaine.