Un héros A. Farhadi
Récit d’un homme emprisonné suite à une insolvabilité pour un crédit qu’il n’a pu rembourser après une faillite. Ce dernier s’efforce de trouver un moyen de ne pas retourner en prison durant ses quarante-huit heures de permission. Sa compagne, qui trouve un sac rempli de pièces d’or à un arrêt de bus, lui offre une opportunité qu’il envisage un temps comme moyen de négocier le remboursement de sa dette conséquente. Mais cette option ne pouvant se concrétiser, il décide alors de faire circuler une annonce pour restituer le sac bien garni à sa propriétaire – qui se manifestera rapidement mais ne donnera guère d’indications sur son identité. Apprenant son geste noble, la direction de l’établissement pénitentiaire décide de médiatiser son acte pour valoriser le comportement des prisonniers. Un élan de solidarité nait alors, lui permettant un temps d’espérer d’éponger une partie de sa dette et d’obtenir un peu de clémence de la part de celui qui a porté plainte contre lui…
Farhadi excelle dans sa description d’une société codifiée qui contrôle les individus à outrance, où un homme ordinaire peut devenir un héros ou un moins que rien au gré des circonstances. Il dénonce sans concessions les rouages d’une administration bureaucratique, les ambiguïtés de l’action associative, le cynisme de la téléréalité et même les ravages des réseaux sociaux : en Iran comme partout dans le monde, la réputation d’un individu se fait désormais par la voie numérique et les nouveaux lyncheurs ont désormais un compte Facebook ou Instagram. Nul manichéisme pourtant dans la vision de Farhadi. Si les personnages de la sœur (Fereshteh Sadre Orafaee) ou du chauffeur de taxi sont des modèles de bienveillance, d’autres protagonistes peuvent laisser planer un doute sur leurs traits de personnalité.
Et si Rahim lui-même était un manipulateur ? La fille en apparence malveillante de Braham (Sarina Farhadi) n’agit-elle pas au nom de l’amour d’un père ? L’une des richesses du cinéma de Farhadi réside précisément dans cette vision contrastée des rapports humains, qui nous fait constamment douter de ce que nous voyons et entendons. Quant à la mise en scène, elle est un modèle de sobriété et d’épure (plans-séquences minimalistes, absence de musique), qui n’empêche en rien de suivre le déroulement de l’action comme s’il s’agissait d’un thriller. Et pour la première fois, Farhadi apporte une authentique touche émotionnelle (par la voie du personnage d’un enfant), sans glisser vers la sensiblerie. Au final, Un héros est un film majeur et devrait trouver un large public.
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