vendredi 28 mars 2008

Dans la maison du père Yannick Lahens

"Je devais rester trois années chez les demoiselles Vedin. J'y appris à coups d'insultes et de fouet, les rudiments d'orthographe, de géographie et de grammaire et, somme toute, peu de choses qui pouvaient me relier à ma terre natale. Et surtout, sous cette avalanche de mots, je compris très tôt que se cachait une autre histoire, la vraie, celle des vainqueurs et des vaincus, des conquérants et des défaits de tous les camps, celle où l'amour et la haine, le bien et le mal avaient souvent le même visage. J'y fis enfin l'apprentissage d'une deuxième société en dehors de celle de ma famille et j'y forgeai surtout mon caractère."

lundi 10 mars 2008

L'élégance du hérisson de Muriel Barbery


Apparemment, de temps en temps, les adultes prennent le temps de s'asseoir et de contempler le désastre qu'est leur vie. Alors ils se lamentent sans comprendre et, comme des mouches qui se cognent toujours à la même vitre, ils s'agitent, ils souffrent, ils dépérissent, ils dépriments et ils s'interrogent sur l'engrenage qui les a conduits là où ils ne voulaient pas aller. Les plus intelligents en font même une religion: ah, la méprisable vacuité de l'existence bourgeoise! Il y a des cyniques dans ce genre qui dînent à la table de papa: "Que sont nos rêves de jeunesse devenus?" demandent-ils d'un air désabusé et satisfait. "Ils se sont envolés et la vie est une chienne." Je déteste cette fausse lucidité de la maturité. La vérité c'est qu'ils sont comme les autres, des gamins qui ne comprennent pas ce qui leur est arrivé et qui jouent aux gros durs alors qu'ils ont envie de pleurer.

vendredi 7 mars 2008

L'empreinte du renard de Moussa Konaté

Elle marchait à grandes enjambées, à travers ronces et épines, sans rien voir,sans rien entendre. Bien qu'il fût à peine dix heures, le soleil brûlait. Sur un terrain vague, des enfantsjouaient au football dans un joyeux tohu-bohu. Elle avançait, parmi eux, au milieu des propos et des rires moqueurs que provoquaient les coups de pied ou de tête qu'elle donnait involontairement au ballon.
-Vive Yalèmo! Vive Yalèmo! scandaient ironiquement les sautereaux en s'esclaffant et en dansant autour de la jeune fille qui suait et soufflait. Or Yalèmo n'entendait ni ne voyait toujours rien. Elle franchit l'aire de jeu, s'engagea dans la ruelle menant au village, dont on pouvait apercevoir encore les toits de chaume.