Pour que je m'aime encore M. Madjidi
Ce qui frappe dès les premières pages, ce sont la spontanéité, la drôlerie et l'énergie avec laquelle Maryam Madjidi raconte son adolescence à Drancy et ses déboires corporels liés à sa tignasse ingérable, son monosourcil « barre de shit », sa pilosité envahissante, caractéristiques héritées de ses origines iraniennes. C'est rare de voir décrit le temps flottant de l'adolescence avec autant de justesse, d'autant plus qu'il y a peu de récit qui s'empare du féminin en banlieue. On rit beaucoup, mais derrière la cocasserie des anecdotes, émergent la profondeur et la subtilité à dire l'horreur ordinaire du déterminisme social vécu à hauteur d'enfant, notamment avec l'épisode, terrible, de la classe de neige où la jeune Maryam débarque sans avoir la tenue adéquate.
Maryam
veut être comme les autres, elle ne veut plus de cette différence qui
« dégage sa sale odeur », en permanence. Elle refuse ses origines, la
culture de ses parents, sa pauvreté, sa banlieue. Elle ne rêve que de
passer le périph'. Elle veut s'approprier son destin, s'ancrer dans la
culture occidentale. Et pour prendre l'ascenseur social, elle fait le
choix de l'école républicaine. Et c'est là que ça fait mal. L'auteure
dénonce avec beaucoup d'énergie et de colère les failles du système
scolaire français : dans les ZEP où se
déploie une galerie effarante de professeurs dépassés ( « les guerriers
vaincus » et les « guerriers fous » ).
Et puis, il y a les pages glaçantes des trois semaines d'hypokhâgne à Fénelon,
avant de capituler face à l'impossibilité de rattraper dix ans de
scolarité en banlieue, sidérée de se voir éjectée du « gâteau de
l'élite » alors qu'elle pensait y avoir droit au nom de l'égalité des
chances et de ses excellents résultats précédents. Un récit authentique, clairvoyant sans superficialité, parfaitement
équilibré entre colère et mélancolie, humour et gravité, qui touche et
fait réfléchir.
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