L'ordre du jour E. Vuillard
Le soleil est un astre froid. Son coeur, des épines de glace. Sa lumière sans pardon. En février, les arbres sont morts, la rivière pétrifiée, comme si la source ne vomissait plus d'eau et que la mer ne pouvait en avaler davantage. Le temps se fige. Le matin, pas un bruit, pas un chant d'oiseau, rien. Puis, une automobile, une autre, et soudain des pas, des silhouettes qu'on ne peut pas voir. Le régisseur a frappé trois coups mais le rideau ne s'est pas levé.
En 160 pages, le livre montre comment « les plus grandes catastrophes s’annoncent souvent à petit pas » et « soulève les haillons hideux de l’histoire » pour raconter la marche vers l’abîme de l’Europe à travers deux moments.
Le deuxième moment, celui auquel il se consacre le plus longuement, c’est l’Anschluss, l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne, le 12 mars 1938. Il remonte en réalité un mois plus tôt, à la rencontre entre Adolf Hitler et le chancelier autrichien Kurt von Schuschnigg ; le 12 février, à Vienne, note Vuillard, « c’est carnaval : les dates les plus joyeuses chevauchent ainsi les rendez-vous sinistres de l’histoire ».
Se faufiler dans les coulisses d’événements historiques, et donner à voir l’envers du décor, révéler la part secrète de grotesque, de bêtise, de contingence, d’ennui et/ou de lâcheté, qui y menèrent… Telle est la méthode Vuillard. Né à Lyon en 1968, l’écrivain, également cinéaste (L’homme qui marche, 2006, Matteo Falcone, 2008), est convaincu que « l’histoire est un spectacle », comme il l’écrit dans L’Ordre du jour, ou, comme l’annonçait l’incipit du superbe Tristesse de la terre (Actes Sud, 2014), que « le spectacle est l’origine du monde »." le Monde FICTION RÉELLE
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