Leurs enfants après eux N.Mathieu
A l'aplomb du soleil, les eaux du lac avaient des lourdeurs de pétrole. Par instants, ce velours se froissait au passage d'une carpe ou d'un brochet. Le garçon renifla. L'air était chargé de cette même odeur de vase, de terre plombée de chaleur. Dans son dos déjà large, juillet avait semé des taches de rousseur. Il ne portait rien à part un vieux short de foot et une paire de fausses Ray-Ban. Il faisait une chaleur à crever mais ça n'expliquait pas tout.
Anthony venait d'avoir quatorze ans. Au goûter, il s'enfilait toute une baguette avec des Vache qui Rit. La nuit, il lui arrivait parfois d'écrire des chansons, ses écouteurs sur les oreilles. Ses parents étaient des cons. A la rentrée, ce serait la troisième.
Le cousin, lui, ne s'en faisait pas. Etendu sur sa serviette, la belle achetée au marché de Calvi, l'année où ils s'étaient partis en colo, il somnolait à demi. Même allongé, il faisait grand. Tout le monde lui donnait facile vingt-deux ou vingt-trois ans. le cousin jouait d'ailleurs de cette présomption pour aller dans des endroits où il n'aurait pas dû se trouver. Des bars, des boîtes, des filles.
Avec ce livre, Nicolas Mathieu écrit le roman d’une vallée, d’une
époque, de l’adolescence, le récit politique d’une jeunesse qui doit
trouver sa voie dans un monde qui meurt. Quatre étés, quatre moments, de
Smells Like Teen Spirit à la Coupe du monde 98, pour raconter des vies à
toute vitesse dans cette France de l’entre-deux, des villes moyennes et
des zones pavillonnaires, de la cambrousse et des ZAC bétonnées. La
France du Picon et de Johnny Halliday, des fêtes foraines et
d'Intervilles, des hommes usés au travail et des amoureuses fanées à
vingt ans. Un pays loin des comptoirs de la mondialisation, pris entre
la nostalgie et le déclin, la décence et la rage.
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