Les sables de Mésopotamie F. Hussain
Dans la cour de notre maison, au village, ma mère agitait ses bras au-dessus de sa tête comme pour se protéger de coups qui me restaient invisibles. Elle poussait des hurlements de bête blessée que l'on s'apprête à achever. Puis, elle tourna le visage dans ma direction et me vit; j'avais un bout de pain à la main, trois ou quatre ans. Lorsqu'elle fut près de deux marches du perron, l'unique endroit cimenté de la maison, elle me fit peur avec ses yeux injectés de sang. Ses cheveux lui donnaient l'air d'une folle. Elle passa le revers de sa main sur son visage et sécha ses larmes. Elle se saisit du morceau que j'avais à la main et le jeta loin: elle ne voulait pas qu'on mangeât de ce pain-là. Puis, de sa amin droite, elle me plaqua contre sa poitrine, de l'autre, elle tira ma soeur aînée et nous partîmes sans que personne essayât de nous retenir. Je quittai pour toujours les maisons en pisé agrippées au versant de la colline, la rangée des cinq mûriers en bas, les abricotiers, les grenadiers et les figuiers de notre verger et nos vignes qui grimpaient le coteau, de l'autre côté du village.
C'est un beau récit d'enfance. L'auteur est né kurde, société minoritaire, il nous initie à ses traditions, ses codes, ses croyances et les rapports avec les autres groupes ethniques. Il nous donne à voir, avec
beaucoup de talent et dans un style plein de charme, ce qu'était la
société kurde de Syrie dont les frontières furent fixées par la France
lorsque celle-ci, au lendemain de la Première Guerre mondiale, devint
puissance mandatrice du Levant.
La mère qui joue un rôle central dans son récit décide, elle est loin de la soumission liée en Occident à toutes les femmes musulmanes; l'ouverture d'esprit de cette famille analphabète qui sait l'importance de l'éducation pour ses enfants, filles et garçons; les liens très forts de famille, qui vont bien au-delà de parents enfants et la protection que tous ces adultes supposent pour les plus petits; l'image de l'Amérique et ses héros, le cinéma, la violence des "occupants" Arabes, la notion inconnue de "frontière"qui va séparer le clan... Beaucoup aimé.
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