Les grands S. Prudhomme
Zé au téléphone avait dit ces deux mots le plus doucement qu'il pouvait, en faisant tout son possible pour les rendre moins coupants.
I muri Couto, elle est morte - répétant I muri comme s'il avait craint que les deux mots n'aient pas suffi la première fois, comme s'il avait eu besoin lui-même de les dire à nouveau.
Couto tu m'entends tu ne dis rien.
Couto avait regardé la lumière de l'après-midi s'engouffrer par la petite lucarne de la chambre au sol couvert de lino sans âge ni couleur, regardé les apillettes de poussière suspendues dan sle rayon de soleil et le plafond pourri d'humidité et les restes de bougies fondues sur le rebord de la fenêtre, le pot d'encens continuant de répandre son odeur âcre à côté du lit, la photo délavée de Zé et Malan et tous les autres euphoriques à la descente de l'hélicoptère à Bubaque, dans l'archipel des Bijagos, quelques heures avent le premier concert sur l'île, trente ans plus tôt.
"Dans Les Grands, roman tissé de réel et de fiction, porté par une
écriture hybride savamment constellée de créole, Sylvain Prudhomme suit
la déambulation de Couto dans les rues de Bissau, en ce jour de 2012 où
Dulce est morte au matin — et où ses anciens partenaires décident d'un
concert improvisé en son hommage, qu'ils donneront le soir. Au périple
urbain de Couto, dans une ville sous la menace d'un coup d'Etat
imminent, se mêle un autre voyage, dans ses souvenirs où les traces de
Dulce se superposent à la mémoire collective de la Guinée, depuis la
guerre d'indépendance. Sylvain Prudhomme dotant ainsi d'une dimension
politique et historique son beau roman, hautement mélancolique et
magnétique." Nathalie Crom
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