jeudi 26 janvier 2017

La septième fonction du langage L.Binet

La vie n'est pas un roman. C'est du moins ce que vous voudriez croire. Roland Barthes remonte la rue de Bièvre. Le plus grand critique littéraire du xxème siècle a toutes les raisons d'être angoissé au dernier degré. Sa mère est morte, avec qui il entretenait des rapports très proustiens. Et son cours au Collège de France, intitulé "La préparation du roman", s'est soldé par un échec qu'il peut difficilemet se dissimuler: toute l'année, il aura parlé à ses étudiants de haïkus japonais, de photographie, de signifiants et de signifiés, de divertissements pascaliens, de garçons de café, de robes de chambre ou de places dans l'amphi- de tout sauf du roman. Et ça va faire trois ans que ça dure. 
Selon le grand linguiste Roman Jakobson, le langage possède six fonctions, mais il en existerait peut-être une septième, atomique celle-là. Cette septième fonction serait la fonction « magique ou incantatoire, la conversion d’une troisième personne absente ou inanimée, en destinataire d’un message conatif. » « Imaginons », explique l'auteur de Lector in fabula, « une fonction du langage qui permette de convaincre n’importe qui de faire n’importe quoi dans n’importe quelle situation. Celui qui aurait la connaissance et la maîtrise d’une telle fonction serait virtuellement le maître du monde. Il pourrait se faire élire à toutes les élections, soulever les foules, provoquer des révolutions, séduire toutes les femmes, vendre toutes sortes de produits inimaginables, escroquer la terre entière. »

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