jeudi 30 juin 2016

Réparer les vivants M. de Kerangal

Ce qu'est le coeur de Simon Limbres, ce coeur humain, depuis que sa cadence s'est accélérée à l'instant de la naissance quand d'autres coeurs au-dehors accéleraient de même, saluant l'événement, ce qu'est ce coeur, ce qui l'a fait bondir, vomir, grossir, valser léger comme une plume ou peser comme une pierre, ce qui l'a étourdi, ce qui l'a fait fondre -l'amour; ce qu'est le coeur de Simon Limbres, ce qu'il a filtré, enregistré, archivé, boîte noire d'un corps de vingt ans, personne ne le sait au juste, seule une image en mouvement créée par ultrason pourrait en renvoyer l'écho, en faire voir la joie qui dilate et la tristesse qui resserre, seul le tracé papier d'un électrocardiogramme déroulé de puis el commencement pourrait en signer la forme,....
Le jour qui se lève sur la plage et les jeunes gens qui entrent dans l'eau, le cœur battant de terreur et de désir, puis se dressent, minuscules, sur l'«onde venue de l'océan, archaïque et par­faite». À 9 h  20, de retour chez eux, accident de la route.Le Samu arrive, Simon est dans le coma.
Entre deux chapitres centrés sur le drame, la romancière présente le chœur de personnages qui va entourer Simon ce jour-là. Avant que la mère du garçon n'arrive à l'hôpital, le portrait en situation du médecin de garde, de l'infirmière, Cordélia, Marianne, la mère du jeune homme, entre dans la chambre où repose son fils dont on a tenté de lui faire comprendre qu'il était mort sans encore prononcer le mot. Il est mort, et pourtant, bouleversant alexandrin, «sa peau est chaude encore et c'est bien son odeur». Oui, selon les critères légaux, ceux de l'électro­encéphalogramme, Simon est mort, mais son cœur, aidé par la machine, bat.
Des phrases qui font un paragraphe, qui courent pressées de retrouver un corps pour ce coeur qui bat.


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