La proie I. Nemirovsky
-Où va-t-il?
- Est-ce que je sais?...Il est avec les siens comme un étranger...
La famille était réunie dans le salon, une pièce passante, aux quatre portes toujours ouvertes;de là on pouvait épier la vie de la maison. Pour écouter le pas de Jean-Luc, les femmes retinrent leur souffle, mais il était loin déjà.
Laurent Daguerne dit doucement:
- Il est libre...
Il avait eu exactement la réaction que sa femme attendait: sans doute avait-il voulu appeler son fils , dire avec ce petit rire timide qui lui échappait parfois, qui semblait railler son propre coeur: "Viens...Tu n'es jamais là." Mais il avait arrêté les paroles sur ses lèvres, étouffé jusqu'au soupir à peine perceptible et, laissant partir Jean-Luc sans un mot, il avait repris son livre. Maintenant, il paraissait presque heureux. C'était un de ces hommes qui ne sont à l'aise que dans l'abstraction, la méditation, les spéculations de l'esprit; la lecture lui procurait ce qu'à d'autres donne l'alcool: l'oubli de la vie.
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