Un jour je leur ai dit J'en ai assez je pars, ils m'ont dit Non, vous n'allez pas faire ça, et où allez-vous aller, j'ai dit Je ne sais pas, et ils m'ont dit Et où allez -vous habiter et avec quel argent allez-vous vivre, j'ai dit J'ai des économies, Madame a dit Des économies, des économies, ça n'est pas assez pour trouver un logement, mais le logement ça m'était égal j'irais n'importe où, Sur un banc, a dit Madame, sur un banc, c'est ce qui vous attend, On ne part pas ainsi, a dit Monsieur, c'est de la folie, il faut continuer à travailler, a dit Monsieur, là ou ailleurs mais travailler, alors j`'ai dit Travailler pourquoi, avec mon argent qui dort dans une boîte et moi toujours dans quatre murs que je n'aime jamais, Il y a des portes, c'est fait pour partir, les portes, j'ai dit, Mais les portes c'est aussi fait pour entrer, a dit Monsieur, Laisse-la, Madame a dit, tu vois bien qu'elle veut partir, Vous voulez partir pour aller ailleurs, a demandé Monsieur, ailleurs qu'est ce qu'il voulait dire ailleurs, ailleurs cela veut dire tant de choses, ailleurs, Ailleurs, j'ai demandé, Ailleurs dans une autre place, a dit Madame, J'ai dit Non, je veux être une libre, me promener , regarder...
C'est
un monologue intérieur, ininterrompu, qui dure environ quarante huit
heures, celui d'une femme simple qui en a assez et qui
part. On entend d'abord sa jubilation et sa fierté de planter là sa
patronne, la concierge de l'immeuble, les commerçants de sa rue qui ne
comprennent pas ce qui lui prend tout à coup. Puis, ses étonnements
comiques, ses bonheurs touchants
(un banc, une rose, une pomme). Plus tard, sa rage et sa révolte, quand
des personnes qu'on dit bien intentionnées tentent de mettre un terme à
son envol, en la réinsérant malgré elle.
L'auteur joue avec une ponctuation réduite au strict minimum (la virgule) pour
rendre à l'écrit le flot des pensées de son héroïne. La virgule pour la
respiration, ce à quoi on s'habitue très vite. Marquant
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