lundi 19 octobre 2020

A son image J.Ferrari

La dernière fois qu'elle l'avait vu, dix ans plus tôt, il rentrait chez lui et elle l'accompagnait. Depuis que le car de Belgrade les avait d´posés à la gare routière, il n'avait pas dit un mot. Et puis il s'était arrêté, toujours en silence, pour s'accouder à la balustrade d'un pont sur le Danube dont les bombardements de l'Otan de 1999 ne laisseraient bientôt subsister que les piliers. Antonia se tenait en retrait, l'appareil photo à la main, et elle le regardait. Il portait un treillis déchiré sur lequel il avait cousu ses galons de sergent, et, sous l'insigne de la JNA dissoute, un écusson serbe à l'aigle bicéphale flanqué des quatre sigma lunaires. A ses pieds était posé un grand sac militaire ne contenant rien d'autre qu'une édition hongroise du Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas d'Imre Kersetz, le premier volume d'une traduction serbo-croates des oeuvres complètes de Bukowsky et quelques cassettes, de R.E.M. et Nirvana, dont il ne se rappelait même plus la dernière fois qu'il les avait écoutées. Il se tenait la tête dans les mains.

À son image est un roman qui est scandé par les funérailles d'une reporter-photographe corse, Antonia, tuée dans un accident de voiture et dont l'oncle et parrain, qui est prêtre, prononce l’oraison funèbre. Cette photographe, longtemps liée à un militant du FNLC (le Front de libération nationale corse) avait notamment couvert la guerre en ex-Yougoslavie avant de se reconvertir dans les photos de mariage. C'est donc son histoire que raconte Ferrari au rythme des Kyrie eleison et des Agnus Dei. Intense.

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