Boussole M.Enard
Nous sommes deux
fumeurs d’opium chacun dans son nuage, sans rien voir au-dehors, seuls, sans
nous comprendre jamais nous fumons, visages agonisants dans un miroir, nous
sommes une image glacée à laquelle le temps donne l’illusion du mouvement, un
cristal de neige glissant sur une pelote de givre dont personne ne perçoit la
complexité des enchevêtrements, je suis cette goutte d’eau condensée sur la
vitre de mon salon, une perle liquide qui roule et ne sait rien de la vapeur
qui l’a engendrée, ni des atomes qui la composent encore mais qui, bientôt,
serviront à d’autres molécules, à d’autres corps, aux nuages pesant lourd sur
Vienne ce soir : qui sait dans quelle nuque ruissellera cette eau, contre
quelle peau, sur quel trottoir, vers quelle rivière, et cette face indistincte
sur le verre n’est mienne qu’un instant, une des millions de configurations
possibles de l’illusion- tiens M.Gruber promène son chien malgré la bruine, il
porte un chapeau vert et son éternel imperméable ; il se protège des
éclaboussures des voitures en faisant de petits bond ridicules sur le trottoir :
le clébard croit qu’il veut jouer, alors il bondit vers son maître et se prend
une bonne baffe au moment où il pose sa patte crasseuse sur l’imper de M.Gruber qui finit malgré tout par se rapprocher de la
chaussée pour traverser, sa silhouette est allongée par les réverbères flaque
noircie au milieu des mers d’ombre des grand arbres, déchirés par les phares
sur la Porzellangasse, et Herr Gruber hésite apparemment à d’enfoncer
dans la nuit de l’Alsergrund, comme moi à laisser ma contemplation des gouttes
d’eau, du thermomètre et du rythme des tramways qui descendent vers
Schottentor.
Ambitieux, savant, érudit, ceci n'est pas un roman, c'est une thèse.
Son sujet pourrait se résumer ainsi: qu'est-ce que l'orientalisme? Une
notion purement intellectuelle? Une invention de l'Occident? Et
d'ailleurs où commence l'Orient? À Vienne? Et quels sont ses contours?
Telles sont les questions qui hantent le narrateur du livre, un jeune
musicologue autrichien nommé Franz Ritter. 378 pages bcp trop longues! J'ai tenu jusqu'à la page 80.
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