mercredi 14 septembre 2016

Boussole M.Enard



Nous sommes deux fumeurs d’opium chacun dans son nuage, sans rien voir au-dehors, seuls, sans nous comprendre jamais nous fumons, visages agonisants dans un miroir, nous sommes une image glacée à laquelle le temps donne l’illusion du mouvement, un cristal de neige glissant sur une pelote de givre dont personne ne perçoit la complexité des enchevêtrements, je suis cette goutte d’eau condensée sur la vitre de mon salon, une perle liquide qui roule et ne sait rien de la vapeur qui l’a engendrée, ni des atomes qui la composent encore mais qui, bientôt, serviront à d’autres molécules, à d’autres corps, aux nuages pesant lourd sur Vienne ce soir : qui sait dans quelle nuque ruissellera cette eau, contre quelle peau, sur quel trottoir, vers quelle rivière, et cette face indistincte sur le verre n’est mienne qu’un instant, une des millions de configurations possibles de l’illusion- tiens M.Gruber promène son chien malgré la bruine, il porte un chapeau vert et son éternel imperméable ; il se protège des éclaboussures des voitures en faisant de petits bond ridicules sur le trottoir : le clébard croit qu’il veut jouer, alors il bondit vers son maître et se prend une bonne baffe au moment où il pose sa patte crasseuse  sur l’imper de M.Gruber  qui finit malgré tout par se rapprocher de la chaussée pour traverser, sa silhouette est allongée par les réverbères flaque noircie au milieu des mers d’ombre des grand arbres, déchirés par les phares sur la Porzellangasse, et Herr Gruber hésite apparemment à d’enfoncer dans la nuit de l’Alsergrund, comme moi à laisser ma contemplation des gouttes d’eau, du thermomètre et du rythme des tramways qui descendent vers Schottentor.
Ambitieux, savant, érudit, ceci n'est pas un roman, c'est une thèse. Son sujet pourrait se résumer ainsi: qu'est-ce que l'orientalisme? Une notion purement intellectuelle? Une invention de l'Occident? Et d'ailleurs où commence l'Orient? À Vienne? Et quels sont ses contours? Telles sont les questions qui hantent le narrateur du livre, un jeune musicologue autrichien nommé Franz Ritter. 378 pages bcp trop longues! J'ai tenu jusqu'à la page 80.
 

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