La jarre d'or R.Confiant
Il y avait beau temps que cette
manière de légende galopait sur les lèvres tumefiées par le rhum, à travers
bouches édentées et voix volontairement éraillées des conteurs créoles du temps
de l’antan. De ceux qui, au beau mitan des veillées mortuaires, quand le poids
de la nuit se faisait accablant et que chacun se retirait dans sa chacunière,
avaient le don de défier l’au-delà ou de le dérisionner à grandes rafales de
mots forcément obscurs. Et, soudain, jaillissait un morceau de parole claire,
comme nous disions dans notre parlure vieillotte qui faisait tant et tellement
sourire les étrangers venus d’En-France ou d’Amérique, créatures pleines de
savantise harnachées de fils, de micros, de magnétophones et d’appareils photo
qui enregistraient le moindre de nos propos et nous mitraillaient de leurs
flashes. Ils tenaient, à ce qu’il semble, en très haute estime nos mœurs alors
que nous autres, bien au contraire, nous nous efforcions année après année, de
les dissimuler , voire même de les effacer.
Toujours un plaisir... de lire la langue martiniquaise.
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