J'avais rien demandé. Entré à l'hôpital de Clamart pour des points de suture, on m'y gardait désormais en captivité. J'étais prisonnier. On me cherchait une maladie dans la tête; j'avais les symptômes. "Pourquoi t'es-tu jeté dans le vide? Même d'un mètre? C'aurait pu être très grave·, me sermonna le médecin qui m'avait recousu. Je ne répondis rien, espérant qu'une assistante sociale vienne me libérer. Mais elle ne venait pas. Le médecin me força à parler. Comme j'en avais marre, j'ai avoué: Le cauchemar, il veut me tuer!"C'était mon vingtième cette année. Assis sur le lit avec mon pansement au front, j'ai raconté ces nuits où l'apocalypse arrivait toukours, me courant après, lâchant ses tonnes d'acier tombées du ciel. Avant de mourir écrasé, je hurlais et me réveillais. Puis j'avais des migraines explosives.
Il y a de tout dans ce premier roman : une écriture ciselée, un humour fin, une
sincérité désarmante, des références subtiles et un espoir à portée de
main. De la sincérité d’abord. Il est difficile d’écrire un livre sur la
banlieue sans tomber sur des clichés éculés, usés jusqu’au profond
ennui comme le frère dealer devenu islamiste, la jeune fille studieuse
qui veut s’émanciper et les parents analphabètes taiseux, dépassés et
attendant la mort pour aller se reposer au bled. Des clichés et des
stéréotypes, à pleines pages, à saturation d’écrans. Puis une voix
surgit, parce que sincère et bienveillante, et le livre devient objet
littéraire. Mokhtar Amoudi nous emmène sur les pas de Skander, un garçon
comme les autres, vers cet étrange pays frontalier de Paris, le
Neuf-Trois (93).A suivre